Loi industrie verte
Energie

Réindustrialisation de la France : zoom sur la loi industrie verte

Publié le : 24 janvier 2025

 Sommaire

1. Pourquoi une loi industrie verte ? 

2. Une loi industrie verte, pour quoi faire ?

3. Y a-t-il une dynamique de réindustrialisation en France actuellement ? 

 

Pourquoi une loi industrie verte ? 

Tout d’abord, deux constats : 

  • La France a connu un vaste mouvement de désindustrialisation. En cinquante ans, le pays a perdu environ 2,5 millions d’emplois dans l’industrie. La part de l’industrie dans le PIB a été divisée par deux, passant de 22% à 11% sur la période.
  • L’industrie représente environ 18% des émissions nationales de gaz à effet de serre, avec une forte concentration sur quelques dizaines de sites très émetteurs. Les 50 sites industriels les plus émetteurs représentent ainsi à eux seuls 55% des émissions de l’industrie (soit environ 11% des émissions totales de la France).

Face à ces deux constats, et afin de garantir la souveraineté de la France, les pouvoirs publics souhaitent soutenir la dynamique d’investissements pour une politique industrielle verte, c’est là qu’intervient la loi industrie verte. 

-81%

La réduction cible des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie en 2050 (par rapport à 2015)

Source : Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie

Cette loi industrie verte s’inscrit dans le nouveau cadre européen dit NZIA pour Net Zero Industry Act. Celui-ci tente de répondre à l’Inflation Réduction Act (IRA) adopté en 2022 par les Etats-Unis et au plan quinquennal chinois de fin 2021, tous deux destinés à stimuler le développement de leurs secteurs industriels, en particulier dans les technologies décarbonées.

    Une loi industrie verte, pour quoi faire ? 

    La loi industrie verte a été adoptée le 24 octobre 2023 avec deux grandes ambitions : 

    • La création d’industries vertes (batteries, hydrogène, capture du CO2, etc.). 
    • La décarbonation de l’industrie existante, en particulier au sein des sites industriels les plus émetteurs.

    Il s’agit donc de réindustrialiser, tout en décarbonant le secteur, un sacré challenge. Plus concrètement, trois grandes priorités ont été définies pour atteindre ces objectifs. 

    1. Faciliter, en accélérant les procédures administratives et en dépolluant des friches industrielles. 

    La mesure phare des pouvoirs publics dans ce domaine consiste à pré-aménager et pré-équiper par anticipation 50 sites industriels, soit environ 2 000 hectares disponibles. Ces sites seront dépollués s’ils sont issus de friches industrielles. Pour cela la Banque des Territoires investira plus d’un milliard d’euros sur la période 2023-2027 dont environ 450 millions d’euros pour la création de 50 nouveaux sites et environ 600 millions d’euros pour la dépollution notamment.

    Par ailleurs, les pouvoirs publics intègrent un objectif de développement des activités industrielles au niveau des territoires via les Schéma Régionaux d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires (les SRADDET). 

    Enfin, les pouvoirs publics souhaitent réduire les délais des procédures administratives de 9 mois en théorie à 17 mois en pratique à l’heure actuelle à 6 à 9 mois maximum. Pour accélérer encore les implantations industrielles, certains projets pourront également être déclarés d’intérêt national. A titre d’exemple, des décrets ont été pris pour qualifier 5 projets industriels de « projet d’intérêt national majeur » : une usine de production de panneaux photovoltaïques (dans les Bouches-du-Rhône), une usine de fabrication de cellules photovoltaïques (en Moselle), un site d’extraction et de transformation de lithium (dans l’Allier), une usine de recyclage de plastique (en Seine Maritime) et une usine de production de minerai de fer bas-carbone (dans les Bouches-du-Rhône).

    1. Financer les technologies vertes et la décarbonation des industries existantes. 

    A cet effet, un crédit d’impôt « Investissements Industries Verts » (dénommé « C3IV ») sera lancé. Celui-ci bénéficiera aux investissements industriels qu’ils soient corporels (terrains, bâtiments, équipements, machines, etc.) ou incorporels (brevets, licences, droits de propriété intellectuelle, etc.). Le C3IV pourra couvrir de 20% à 45% de l’investissement. Il est destiné à quatre secteurs jugés clés : la production de batteries (incluant les composants), les panneaux solaires, les éoliennes et les pompes à chaleur. Les autres activités restent éligibles aux mécanismes actuels de soutien : appel à projets, etc.

    Pour la décarbonation des sites industriels existants, deux enveloppes d’aides avaient déjà été annoncées : 

    • 5,6 milliards d’euros, via l’Ademe, pour les sites les plus émetteurs (qui représentent environ 75% des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie).
    • 2,3 milliards d’euros par an, via BPI France, pour les autres sites (qui représentent les 25% restants des émissions industrielles). 

    Enfin, et c’est là l’une des principales nouveautés introduites par le projet de loi industrie verte, les pouvoirs publics ont créé un produit d’épargne spécifique : le plan épargne avenir climat (PEAC). Disponible depuis le 1er juillet 2024, le PEAC est exclusivement réservé aux jeunes de moins de 21 ans pour leur permettre d’investir sur des supports variés (actions, obligations, etc.) dans la limite de 22 950 euros. Attention, contrairement aux livrets d’épargne réglementés (comme le livret A par exemple), le capital du PEAC n’est pas garanti. En revanche, les gains et plus-values réalisés ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. A noter, les fonds placés sont bloqués pour une période minimale de 5 ans et le PEAC sera automatiquement clôturé à l’âge de 30 ans. 

    Par ailleurs, depuis le 10 octobre 2024, chaque assureur-vie doit proposer au moins une offre d’assurance-vie intégrant des actifs non cotés permettant d’investir dans l’industrie verte. 

    5 milliards d’euros

    L’estimation de financements annuels supplémentaires via les nouveaux produits d’épargne dédiés

    Source : Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie

    1. Favoriser les entreprises vertueuses par un label, conditionner les aides publiques et orienter la commande publique.

    Dans ce domaine, les pouvoirs publics envisagent la création d’un nouveau label : le standard Triple E (Excellence Environnementale Européenne) qui regrouperait les meilleurs dispositifs environnementaux existants sous cette bannière. 

    Et surtout, alors que la commande publique représente plus de 150 milliards d’euros par an, moins de 20% des marchés publics intègrent des considérations environnementales. La volonté des pouvoirs publics, est grâce à loi industrie verte, d’augmenter cette part, sans toutefois qu’un objectif cible chiffré ait été défini. 

    Y a-t-il une dynamique de réindustrialisation en France actuellement ?

    Pour mesurer la dynamique de réindustrialisation en France apportée par la loi industrie verte, les pouvoirs publics ont récemment mis en place le « baromètre industriel de l’Etat ». Ce document recense, semestriellement, les ouvertures et fermetures de sites industriels en France. Attention toutefois, ce baromètre inclut également les réductions et extensions significatives de sites existants. 

    Résultats semestriels du baromètre industriel de l’Etat

    Loi industrie verte

    Source : Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie

    On le constate, il est difficile de parler de dynamique de réindustrialisation en France à l’heure actuelle. D’abord, le solde net (incluant les réductions/extensions de sites) décroît nettement : 105 sites au 1er semestre 2023, 84 au 2nd semestre 2023 et 36 sites au 1er semestre 2024. 

    Surtout en excluant les réductions/extensions de sites existants, le solde net est devenu négatif au 1er semestre 2024 (-8 sites). Durant les six premiers mois de l’année ont ainsi été constatés 59 fermetures de sites, contre 51 créations de sites industriels. 

    En revanche, parmi ces dernières, l’industrie verte se taille la part du lion (voir encadré ci-contre) avec 21 ouvertures contre seulement 4 fermetures de sites. 

    Au sein de la classification « industrie verte », 60% des implantations industrielles concernent des technologies décarbonées (batteries, solaire photovoltaïque, pompes à chaleur, éolien et hydrogène). Le solde est apporté par des activités liées aux mobilités douces (vélos et véhicules électriques), au recyclage et à la réutilisation des déchets. 

    A l’inverse, les secteurs les plus consommateurs d’énergie sont les plus touchés comme l’automobile ou encore la plasturgie. 

    47%

    La part de l’industrie verte dans le nombre d’ouvertures nettes de sites industriels au 1er semestre 2024 (17 sur 36 au total)

    Source : Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie

    Simplification administrative, création de nouveaux sites, soutien financier, … les pouvoirs publics ont multiplié les initiatives pour stimuler la réindustrialisation du pays dans le cadre de la loi industrie verte.

    Mais au-delà de ces différentes mesures, la question des prix de l’énergie et donc de la facture énergétique des industriels constitue un élément clé de la compétitivité des futurs projets.

    Une initiative européenne sur les prix de l’énergie pour la compétitivité de l’industrie européenne est d’ailleurs attendue en 2025.