Electrification des process
Energie

Electrification des process : un levier efficace pour décarboner l’industrie

Publié le : 1 juillet 2024

Electrifier pour décarboner

La stratégie française pour l’énergie et le climat est claire : l’atteinte des objectifs de décarbonation passera – parallèlement à des efforts massifs de réduction des consommations d’énergie – par une électrification croissante des usages.

L’idée est simple : substituer la combustion d’énergies fossiles (gaz naturel par exemple) par de l’électricité. Cette stratégie comprend toutefois un prérequis : l’électricité doit avoir été préalablement décarbonée. Bonne nouvelle, en France, c’est déjà très largement le cas. Selon RTE, la part de l’électricité décarbonée a atteint 92,2% en 2023.

Transports, bâtiments, production d’hydrogène … de nombreux secteurs offrent un potentiel d’électrification. Et bien sûr certains process industriels.

56% 

La part de l’électricité dans la consommation finale d’énergie projetée en 2050 (contre 27% en 2021.) 

Source : Ministère de la transition écologie 

Quels sont les process concernés ? Comment électrifier ? Quels leviers techniques actionner ? Pour quels gains ?

Eclairage de notre expert Sébastien Papouin, directeur technique énergie.

Quels sont les process industriels qui pourraient-être facilement électrifiés ? 

Deux grands types de process sont directement concernés :

  • les activités industrielles utilisant des fours alimentés au gaz naturel
  • les process ayant des besoins en eau chaude et/ou en vapeur

Il existe de nombreux cas d’usage que ce soit pour de l’eau chaude sanitaire à 55-60°C pour les lavages par exemple, pour de la cuisson à 75-85°C pour la pasteurisation du lait par exemple ou pour des besoins en vapeur à 7-8 bars.

 

Quelles sont les solutions techniques déployables ?

Fours industriels

Pour reprendre notre typologie, les fours alimentés par du gaz naturel peuvent être remplacés par des fours électriques.

On le voit à l’heure actuelle dans l’industrie lourde comme l’aciérie avec l’utilisation de fours à arc électrique plutôt que par des fours de fusion. On trouve également des exemples dans le domaine de la verrerie.

Mais le remplacement des fours alimentés par du gaz naturel par des fours électriques est également possible – et plus simple à mettre en œuvre – dans d’autres domaines en particulier pour couvrir les usages de cuisson.

A noter, l’évolution du process vers l’électricité suppose d’anticiper l’augmentation de la puissance électrique nécessaire sur l’ensemble du site, ainsi que les équipements associés (transformateurs, armoires électriques, etc.).

 

Eau chaude

La production d’eau chaude et de vapeur se prête également bien à une électrification des process, avec différentes solutions techniques.

Tout d’abord, il est possible de remplacer la chaudière gaz par un chauffage résistif, c’est-à-dire une chaudière électrique pour produire de l’eau chaude ou de la vapeur. Ceci est envisageable pour de faible puissance.

Ensuite, une chaudière gaz peut être remplacée par une (ou des) pompe(s) à chaleur (PAC) qui bénéficient d’un coefficient de performance élevé. A l’heure actuelle, les PAC disponibles sur catalogue permettent de produire de l’eau chaude jusqu’à environ 100°C.

Le cas de figure le plus intéressant consiste à valoriser une source de chaleur fatale du process pour alimenter la PAC (qui va remonter la température jusqu’à la température utile). Certaines activités agroalimentaires s’y prêtent particulièrement bien comme dans le cas d’une production frigorifique.

 

Vapeur haute et basse pression

Pour produire de la vapeur à plus haute pression, il existe également des PAC non standardisées, sur-mesure, qui peuvent produire directement de la vapeur à 7 bars (autour de 170 °C) par exemple. La PAC devient alors la chaudière vapeur du process.

Pour les activités industrielles ne disposant pas d’une source de chaleur fatale à valoriser, des solutions existent également. Il est possible de puiser la chaleur de l’air ambiant. Pour arriver à la température utile, il faut dans ce cas installer des PAC en série, ce qui accroît le coût d’investissement.

Autre exemple dans le monde de la concentration des liquides avec les évapoconcentrateurs. La force motrice de la vapeur est remplacée par une CMV (compression mécanique de vapeur) ou RMV (recompression mécanique de vapeur) qui augmente la pression, donc la température, des buées issues de l’évaporation de l’eau du liquide à concentrer.

 

Chauffage/séchage

Autre électrification des procédés, le chauffage et/ou séchage par rayonnement avec les infra rouges, les micro-ondes, les hautes fréquences. Technologies applicables selon la forme des produits et du type de produit (interaction ondes/produit).

Quels sont les gains liés à l’électrification des process ? 

La substitution du gaz naturel par de l’électricité, en France, apporte des gains considérables en termes de réduction des émissions de CO2 liées au process.

Par exemple, en retenant le contenu carbone de l’électricité en 2023, on estime que l’électrification des process va entraîner une division par 6 des émissions de CO2.

Mais l’électrification des process peut également apporter des gains au plan financier comme le montre l’étude de cas client ci-dessous :

    32 g CO2/kWh

    L’intensité carbone de la production d’électricité en France en 2023 (contre plus de 200 g CO2/kWh pour le gaz naturel en combustion)

    Source : RTE 

    Etude de cas client :

    • Process initial : chaudière à gaz pour la production d’eau chaude à 90°C
    • Puissance : 900 kW de chaleur
    • Solution technique : remplacement de la chaudière par des PAC en série (source froide : air ambiant)

    → Economie annuelle sur les OPEX : 75 000 €

    Source : Dametis

    Quelles autres solutions voyez-vous apparaître à plus long terme ?

    Le remplacement des combustibles fossiles par de l’hydrogène est également une solution. On pourrait dire qu’il s’agit dans ce cas d’une électrification indirecte des process. En effet pour atteindre les objectifs de décarbonation, l’hydrogène utilisé devra lui-même être décarboné. Il devra donc, non pas être produit à partir de combustibles fossiles (par vaporeformage de gaz naturel par exemple) comme c’est majoritairement le cas dans le Monde à l’heure actuelle mais par électrolyse, les électrolyseurs étant eux-mêmes alimentés par une électricité décarbonée. Cette solution est viable techniquement mais le marché est naissant, peu d’hydrogène décarboné est pour le moment disponible.